Anne Henry-Werner, vous êtes élue des Français d’Allemagne et Conseillère à l’Assemblée des Français de l’étranger. Au début du mois de mars, vous avez déposé une question orale auprès à l'administration consulaire au sujet des femmes victimes de violences conjugales à l’étranger, pouvez-vous nous expliquer le contenu de votre intervention ?
Tout d’abord merci de votre intérêt pour cette thématique grave et particulièrement essentielle actuellement.
Avant de m’expliquer sur le contenu de ma question à l’administration consulaire, je souhaite faire un retour en arrière pour expliquer ma sensibilité à ce sujet. Cela remonte à plus de vingt ans, vers la fin des années 90’, j’ai eu dans mon cercle de connaissances assez rapproché une famille qui donnait vers l’extérieur l’image de « la famille idéale ». Et pourtant, une petite voix intérieure me disait que quelque chose de moins brillant se cachait derrière cette façade.
Ne pouvant évidemment rien faire, je me suis mis tout simplement « à l’écoute ». Quelque temps plus tard, la façade a commencé à se craqueler et mon amie m’a fait des semi-confidences qui étaient encore très loin de la sordide réalité. Je lui ai simplement signalé à plusieurs reprises qu’elle pouvait me contacter à tout moment. Et un beau soir, elle a débarqué sans tambour ni trompettes chez nous avec ses quatre enfants et nous lui avons donné refuge.
J’ai alors pris connaissance des violences dont elle et une de ses filles (mineure) étaient victimes depuis de nombreuses années. Il y a fort heureusement eu un « happy end » : le conjoint / beau-père violent a été condamné et a fait quelques années de prison et mère et fille se sont reconstruites et sont aujourd’hui des femmes fortes et épanouies. Ce long préliminaire pour expliquer que j’ai tiré deux enseignements essentiels de cette expérience, qui sont en rapport avec mon engagement actuel :
Un : même si cela paraît paradoxal, les personnes victimes de violences conjugales ont énormément de mal à se confier et à avouer les sévices qu’elles subissent (mélange de peur, honte, sentiment de culpabilité, etc.), il est donc de prime abord difficile de les aider ;
Deux : le jour, voire le moment, où elles sont prêtes à franchir le pas, il faut absolument qu’elles soient, à cet instant même, en possession d’une ressource de confiance vers laquelle se tourner. Cela peut être une personne ou un organisme ; mais une chose est certaine, il faut que ce soit sûr et que les choses puissent aller très vite pour éviter que le conjoint ne reprenne l’emprise sur sa victime.
La crise COVID-19 et son cortège de confinement sont bien entendu des facteurs aggravant pour les violences intra-familiales et j’ai donc souhaité attirer l’attention sur la situation de nombreuses femmes qui se retrouvent, dans un pays étranger dont elles ne maîtrisent ni la langue ni les codes, dans une situation de violence intrafamiliale et ne savent pas vers qui s’orienter.
Parmi elles, de nombreuses Françaises – ainsi que très souvent leurs enfants – un peu partout dans le monde. Étant active sur les réseaux sociaux, mon attention a été attirée par les interpellations régulière d’une personne, Isabelle Tiné, une Française ex-expatriée et rentrée en France, qui gère un groupe Facebook pour les femmes en situation familiale difficile à l’étranger et leur vient en aide du mieux qu’elle le peut.
Après un entretien téléphonique avec elle, j’ai effectivement constaté, après vérification, que les sites Internet des ambassades et des consulats ne contiennent aucune information de nature à aider ces personnes en situation d’urgence. J’ai également constaté que des parlementaires avaient déjà tiré la sonnette d’alarme mais que rien ne semblait avancer et c’est ce qui m’a amené à remettre officiellement le sujet sur la table.
Des engagements ont été pris oralement par l’administration pendant la dernière session de l'Assemblée des Français de l'Etranger. J’attends des mesures concrètes et rapides.
(2015: Anne Henry-Werner avec
la Sénatrice Claudine Lepage)
Cette thématique intéresse particulièrement les membres du collectif Français au Cambodge - Plus Forts Ensemble ! Il y a quelques mois, nous avions déjà interviewé la Sénatrice Claudine Lepage. Concrètement quelles solutions proposez-vous pour agir à l’étranger ?
Comme je l’ai dit précédemment, les sites des ambassades et consulats n’affichent aucune information, malgré les interpellations de parlementaires, dont Claudine Lepage. Certes les législations locales et les principes de non-ingérence empêchent parfois une assistance active, mais information, orientation et soutien devraient être une évidence pour nos services consulaires. Ces informations doivent être de différentes natures et adaptées aux conditions locales.
En effet, il peut arriver qu’une personne ne souhaite pas expliquer sa situation personnelle directement au consulat, tout simplement parce qu’au sein d’une petite communauté francophone, tout le monde se connaît et que le conjoint peut être une personnalité en vue.
Dans un tel cas, la victime aura besoin du numéro de téléphone d’un organisme de secours local ou d’une organisation en France. Le sujet n’est donc pas simple et doit être traité avec beaucoup de réflexion et de sensibilité, au cas par cas et en fonction du pays. Il y a également sans doute des actions à mettre en place, en amont, c’est à dire au niveau de l’information avant le départ à l’étranger. Ce type d’information existe déjà, mais pourrait être plus détaillé et plus ciblé. Enfin, il faut que les personnels consulaires soient correctement et régulièrement formés à traiter ces problématiques.
Sur un plan plus personnel, vous arrivez à la fin de votre mandat de Conseillère Consulaire et de Conseillère des Français de l’étranger, comment encourageriez-vous des femmes à s’investir dans ce mandat ?
D’abord c’est une expérience extrêmement enrichissante sur le plan humain et sur celui de l’acquisition de connaissances dans des domaines variés. Sur le papier, le mandat paraît très restrictif, et, soyons honnête, d’une certaine manière, il l’est. C’est en effet un mandat certes politique, mais purement consultatif. Ceci étant, le mandat est aussi un peu ce que l’élu.e en fait.
Nous avons la possibilité de nous adresser à nos concitoyens, de les informer de recueillir leurs préoccupations, d’établir des contacts entre des personnes ou des organismes qui ont intérêt à se connaître, etc.
Les questions qui nous sont posées nous obligent parfois à nous plonger dans des thématiques totalement inconnues, je pense par exemple à la fiscalité ou au domaine complexe des retraites. La liste des champs d’activités est extrêmement large.
Pour ma part, je suis également très bien intégrée dans le tissu social de mon pays d’accueil, l’Allemagne, où je vis depuis de nombreuses années et j’ai eu à cœur de contribuer, par mon mandat, au rapprochement des deux pays et d’aider des compatriotes fraîchement arrivés à s’y intégrer plus activement. C’est une composante très satisfaisante du mandat.
Enfin, j’ai également fait partie des 90 élus à l’Assemblée des Français de l’étranger et c’est une voie vers laquelle j’encouragerais toute femme élue conseillère des Français de l’étranger : on y aborde les problématiques à un niveau plus concret et à l’échelle mondiale et on y est plus en prise avec l’administration et les institutions françaises, ce qui permet de mieux en comprendre le fonctionnement.
(2019, Anne Henry-Werner
est venue en séjour au Cambodge)
En 2019, vous avez visité le Cambodge, quels sont les souvenirs qui vous ont le plus marqués ?
J’ai ramené du Cambodge énormément de merveilleux souvenirs car je dois dire que ce pays m’a envoutée et je m’y suis immédiatement sentie à l’aise. Ce qui m’a, par exemple, frappée c’est que, du point de vue d’un occidental (en particulier venant d’Allemagne !) tout paraît dans un premier temps chaotique et désorganisé, mais finalement tout se met en place comme par magie et « les choses se font » ... avec plus de calme et de simplicité que chez nous.
J’ai été frappée par l’engagement de nombreuses personnes, Cambodgiens et étrangers, pour lutter contre la pauvreté en donnant aux enfants et jeunes cambodgiens une éducation leur permettant d’exercer un métier. Et j’ai également été impressionnée par le courage et la détermination de nombreux jeunes qui, partant de quasiment rien, abordent la vie avec optimisme et dynamisme.
J’ai eu l’immense chance de rendre visite au centre SAB de Battambang. C’est une ONG cambodgienne (COMPED), soutenue par une association allemande (tkG), qui accueille, pendant la journée, les enfants de familles travaillant sur la décharge attenante ou de familles d’agriculteurs des environs. Un remarquable travail avec peu de moyens. Avec ma famille, nous parainons depuis un petit garçon de 4 ans qui fréquente ce centre.
J’ai également eu la chance de séjourner, à Phnom Penh, à l’hôtel de l’école Pour un sourire d’enfant (PSE) et de voir sur place l’incroyable travail des époux Marie-France et Christian (✝) des Pallières. Et enfin, j’ai une fois de plus pu profiter du formidable esprit de famille « Français du monde-adfe » en étant accueillie par les responsables des sections de Phnom Penh et de Siem Reap* : ces échanges avec des compatriotes établis dans le pays ont été très enrichissants. Une chose de sûre, dès que possible ... Je reviendrai !
Pour rappel le 3919 géré par la Fédération Nationale Solidarité Femmes est aussi accessible depuis l'étranger en composant le 00 33 1 80 52 33 76
* Florian Bohême, membre du collectif Français au Cambodge - Plus Forts Ensemble est par ailleurs Président de la section Français du monde-adfe Siem Reap - Provinces du Cambodge et administrateur de Français du monde-adfe à Paris.
Comments